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Comme cela a été présenté dans la première partie de cette contribution, tout ensemble d’individus manifestant une certaine permanence dans le temps et l’espace va pouvoir être décrit comme système de communication.

 Selon le point de vue de l’observateur, ii sera ainsi possible de décrire un groupe, un service, un club, un comité, un département, etc.., dans une entreprise, et finalement cette entreprise elle- même selon la même approche.

Bien entendu, cela ne revient pas à dire que ces « unités systémiques » sont équivalentes : cependant, l’outil conceptuel nécessaire à leur description ne devra pas changer en fonction de chacune de ces unités systémiques.

Examinons à présent quelques propriétés intéressantes pour l’analyse de l’entreprise sous un angle communicationnel.

Homéostasie et figures de régulation

 Nous avons précédemment parlé des redondances comme d’un ‘principe d’organisation’ des systèmes.

Tout système vivant tend à maintenir sa propre stabilité. Pour cela, il doit pouvoir faire face à ses propres carences éventuelles ainsi qu’aux agressions permanentes de son environnement. Pouvoir faire face à une perturbation, c’est avoir la capacité de modifier, à un moment donné, la manière dont le système fonctionne habituellement pour empêcher cette perturbation de déstabiliser gravement l’ensemble du système.

C’est, à proprement parler, produire un changement.

Tout système vivant est donc, par nature, producteur de changement : c’est une capacité vitale et indispensable. Car relativement, « la résistance au changement » est, soit un principe explicatif vague et dénué de sens, soit l’expression d’un point de vue particulier sur ce que doit être le « changement ». .

Ces changements internes ne se produisent pas non plus à tout moment ou de façon aléatoire, mais en fonction de normes d’équilibrage et du dépassement de celles-ci dans la mesure de certaines marges de tolérance. L’économie de la régulation suppose en effet, à la fois, qu’une norme soit présente et qu’autour de cette norme des plages de tolérance existent. C’est lorsque ces zones de tolérance sont dépassées que des mesures de régulation (des changements) entrent en jeu. Ainsi, le système ne doit pas mobiliser des mesures correctives a la moindre apparition de perturbation, si faible soit-elle. C’est le principe de l’homéostasie ou de l’équilibre dynamique qui garantit ces capacités de régulation en quelque sorte « prêtes à l’emploi ».

Il est en effet nécessaire que ces capacités de régulation ne soient pas à inventer à chaque fois, ceci afin de pouvoir garantir en temps opportun l’intervention contre la perturbation.

Les capacités de régulation sont donc elles-mêmes des redondances, ou plutôt des modelés de redondances pour être plus précis : elles constituent un niveau d’organisation supérieur par rapport aux redondances liées à la sélection et à la prévisibilité des comportements. II s’agit en somme d’ensembles organisés de « règles du jeu » permettant au système de conserver son équilibre malgré les perturbations, ce que nous nommerons des figures de régulation.

Des lors, l’entreprise comme système de communication pourra être caractérisée utilement par les figures de régulation qui œuvrent en son sein pour maintenir son état stationnaire.

 

Indice et ordre dans la communication : message et méta-message

Une caractéristique fondamentale de la communication réside dans la juxtaposition de deux types d’information à chaque fois que se déroule une interaction. 

A un niveau, nous sommes en présence de ce qu’on appelle habituellement le « message explicite » ou l’aspect « indice » de toute communication : ii s’agit là de l’échange. Pour prendre l’exemple d’un comportement verbal, «Au travail! » prononcé par le chef de service sera immédiatement compris par tous comme l’injonction à reprendre les tâches en cours.

Dans une logique d’analyse linéaire, ce message, émis par un émetteur (le chef de service), est simple et le résultat ne devrait pas poser de problèmes particuliers au niveau des récepteurs (les subordonnés). Si certains, voire tous, ne tiennent aucun compte de l’injonction, ii faudra alors chercher ailleurs que dans l’analyse communicationnelle les éléments de compréhension du processus d’ensemble.

C’est précisément ici qu’intervient le deuxième niveau de message, l’autre aspect de la communication, l’aspect « ordre ».

Toute interaction suppose que soient définies les positions respectives des partenaires (de l’interaction) afin que ceux-ci puissent donner du sens à ce qui arrive. Ces positions ne sont ni données ni acquises une fois pour toutes mais se « négocient » à chaque nouvelle interaction, soit pour se confirmer soit pour se (re)questionner ou s’infirmer.

Dès lors, dans l’exemple évoqué ci-dessus, ii faut comprendre que le message comporte en même temps que l’aspect indice, un aspect ordre qui véhicule l’information implicite sur la relation en cours « je suis le chef et je peux donner un ordre ». Si l’injonction n’est pas suivie de l’effet escompté, c’est que cette information n’est pas acceptée par les membres du service : il y a désaccord sur le type de positions à adopter.

Et c’est cet aspect « ordre » de la communication qui confère le « sens » donne au message explicite « indice » : il s’agit d’une métacommunication, autrement dit, d’une communication sur la communication.

 

Sens et contexte

Cependant, une autre dimension de la communication doit être précisée si nous voulons pouvoir analyser et comprendre les interactions. Le contexte, dont il a déjà été question plus avant, est un élément intrinsèquement inclus dans la communication : c’est le contexte qui détermine le sens du message (et non pas l’inverse) !

Dans l’exemple précité, la compréhension de l’aspect « ordre » par les membres du service sera différente selon les situations : si les personnes se trouvent au bureau pendant ou en dehors des heures de travail; si les personnes se trouvent au bistrot pour prendre l’apéritif ; si ces personnes se trouvent au bureau pendant les heures de travail et qu’une grève a été récemment décidée, etc…

Nous pouvons donc décrire des messages imbriqués, ou plus exactement des informations se superposant sur des niveaux logiques en cascade. Tout comportement est un commentaire, aspect ordre, sur la relation et en ce sens un méta-message par rapport à l’aspect indice ; tout contexte est un méta-message sur l’interaction et donc un « ordre d’ordre » par rapport aux interactions en cours.

Etant donné que les métacommunications sont le plus souvent de type analogique (sauf dans le cas des explications ou des discours scientifiques), leur interprétation est généralement délicate et peut faire l’objet de grandes ambiguïtés.

Compte tenu du nombre d’interactions enchevêtrées qui s’y déroulent et de la diversité des contextes qui s’y côtoient, l’entreprise doit être appréhendée par le manager de transition comme un système particulièrement complexe s’il est bien évident que difficultés et problèmes s’y manifestent quotidiennement.

 

Position dans l’interaction

Nous voudrions rappeler ici la distinction opérée par les membres de « l’Ecole de Palo Alto» entre les positions complémentaires et symétriques.

Toute interaction suppose au minimum que les partenaires de l’interaction soient liés dans des positions qui impliquent l’équivalence et la réciprocité (tout comportement de l’un est accessible à l’autre) et/ou la différence et la complémentarité (tout comportement de l’un est complémentaire, c’est à dire complète le comportement de l’autre). Rappelons que l’unité d’observation et d’analyse est toujours l’interaction et non pas le comportement d’un individu pris isolément.

Les positions n’ont pas de sens en tant que telles : symétrique ou complémentaire, la description suppose nécessairement au moins deux éléments dans l’interaction, chacun n’ayant de sens que par rapport à l’autre. Ceci étant exposé, quelques questions méritent d’être soulevées : par rapport aux théories intrapsychiques liées par exemple à la motivation, au caractère ou encore à la compétence, comment une approche interactionnelle va-t-elle aborder de tels sujets ?

Nous ne pouvons pas en effet concevoir de compétence en tant que telle, ni de manque de motivation, ni de caractère comme définissant l’individu : il ne peut s’agir que de comportements en réponse à l’environnement, au contexte particulier de chaque individu.

 D’un point de vue communicationnel, la réflexion fondamentale à avoir est la suivante : que fait concrètement l’entreprise pour créer des contextes favorisant chez ses collaborateurs de la compétence, de la motivation, etc. ? Notons qu’il ne s’agit pas ici de discours mais bien de création de contextes concrets et pertinents pour les individus concernés. Nous tenterons d’aborder à nouveau ce sujet dans la troisième partie de cette contribution lorsque nous parlerons de communication interne.

 

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